Le Portail Algérie s’est donné pour mission d’analyser de manière critique le regard porté par la presse française sur l’Algérie — ses angles, ses biais, ses silences. Mais la réciproque est tout aussi essentielle : comment les médias algériens parlent-ils de la France ?
Cette revue de presse se penche sur ce regard inversé — celui des journaux arabophones et francophones algériens, qui ne voient plus la France comme un modèle à suivre, mais comme une ancienne puissance désorientée, fracturée, parfois toxique. Le regard algérien ne cherche ni à imiter ni à plaire : il observe avec lucidité, compare, interroge, démonte les récits.
Autrefois perçue comme référence culturelle ou horizon d’émulation, la France est désormais dépeinte — consciemment ou non — comme un modèle en déclin, piégé dans ses contradictions.
Cette première édition met en lumière six thèmes majeurs, révélateurs d’une transformation radicale du regard postcolonial.
Diversion sociale et crise politique
Algérie Patriotique
La France évoquée non plus comme phare républicain, mais comme pays épuisé, incapable de répondre à sa propre misère, et préférant agiter les fantasmes sur l’immigration, l’islam ou l’Algérie.
Un gouvernement vidé de sens, un Parlement léthargique, une société fracturée.
Le modèle français n’éclaire plus : il détourne.
Répression identitaire et politique du bouc émissaire
Echorouk
Le ministre Retailleau incarne une France qui ne sait plus intégrer, alors elle expulse symboliquement, stigmatisant des millions de citoyens musulmans.
Ségolène Royal, elle-même issue du système, s’en moque publiquement : “c’est de la comédie.”
La République donne l’image d’un pouvoir qui ne croit plus en ses valeurs.
Présidence-spectacle : gifle, rumeurs, confusion
Ennahar, El Khabar
Le couple Macron, exposé dans des scènes floues et déroutantes, devient symbole d’un pouvoir essoufflé, réduit à gérer son image. Ce n’est plus la grandeur gaullienne, mais le feuilleton conjugal d’un régime incertain.
Une France regardée avec distance, ironie, parfois pitié.
Incident Sonatrach à Marseille : provocation ou panique ?
Le Quotidien d’Oran
La tentative de contrôler deux navires algériens est vue comme le signe d’un État en manque de leviers, cherchant la tension faute de stratégie.
Paris semble avoir oublié la subtilité diplomatique au profit du réflexe colonial mal dissimulé.
La France ne dialogue plus, elle gêne.
Le vestival de Cannes, Panahi et l’occultation des voix arabes
L’Expression
Palme d’or pour Panahi, dans un contexte hautement politique ; Mohammed Lakhdar-Hamina enterré dans l’oubli. Deux poids, deux mémoires. La France récompense la dissidence utile, mais ignore ses propres injustices historiques. L’universalisme français paraît devenu sélectif et stratégique.
Nucléaire au Sahara : l’écocide refoulé
El Moudjahid
La France, qui prêche la transition écologique, n’a jamais réparé les crimes radioactifs commis au Sahara algérien. Un pays du Nord qui impose la destruction au Sud au nom du progrès.
La grandeur française se heurte ici à une tache indélébile : le colonialisme nucléaire.
Conclusion : le crépuscule d’un modèle ?
La presse algérienne ne regarde plus la France comme un horizon.
Elle l’observe, la décortique, la critique, parfois avec ironie, souvent avec gravité.
Ce n’est plus la France de la Sorbonne, du Quartier latin ou du rêve républicain, mais une nation qui vacille, et dont la crise intérieure déborde sur ses relations extérieures.
L’image projetée est celle d’un pays qui se débat avec son passé, son présent, et redoute son avenir.