L’Algérie d’aujourd’hui est jeune, urbaine, connectée, multiple. Elle est traversée par des contradictions, des élans de renouveau, des débats de société profonds — du féminisme aux luttes environnementales, en passant par la critique du pouvoir ou l’innovation numérique. Pourtant, ces réalités sont rarement visibles dans les récits que la presse française lui consacre.
Une Algérie réduite à quelques figures
Quand l’Algérie apparaît dans les médias français, c’est souvent par le prisme de quelques figures : le président, les généraux, des opposants exilés, parfois un écrivain médiatisé. Mais le peuple algérien réel — dans sa diversité régionale, sociale, générationnelle — reste invisible.
Le Hirak en 2019 avait un temps forcé la presse à s’y intéresser, mais très vite, l’élan médiatique est retombé, laissant place à des articles ponctuels, souvent centrés sur : la politique étrangère, la mémoire coloniale, ou la religion.Les journalistes peinent à donner corps à une Algérie vivante, loin des stéréotypes. Pas de portraits de jeunes chercheurs, d’artistes underground, d’entrepreneurs sociaux, de penseurs alternatifs, d’imams progressistes ou de féministes locales — alors même qu’ils existent.
Une grille d’analyse dépassée
Pourquoi cette difficulté ? En partie parce que la plupart des journalistes couvrant l’Algérie depuis la France utilisent encore des cadres d’analyse figés : une lecture géopolitique, centrée sur la sécurité, les flux migratoires ou les relations diplomatiques. Une lecture mémorielle, axée sur la guerre d’indépendance, la colonisation ou les “ressentiments”. Une lecture culturaliste, où la religion ou “l’arabité” expliqueraient tout. Ces grilles produisent un regard limité, qui empêche de voir les dynamiques de terrain. Or, aucun pays ne se résume à sa politique ou à son histoire.
Exemples concrets de cette réduction
Récemment, on a vu France 24, Le Point ou Le Figaro parler de l’enseignement du français uniquement sous l’angle du “rejet de la France” ; Marianne qualifier la réforme éducative de « sacrifice de la langue du colonisateur » (15 mai 2025), sans interroger les motivations internes de la réforme ; Libération évoquer l’enlèvement d’un opposant algérien en France sans creuser les réseaux de solidarité algérienne qui dénoncent les abus dans leur pays comme en diaspora. Tout ce qui échappe à la confrontation, au scandale ou à la nostalgie, est souvent ignoré.
Un symptôme d’un désintérêt profond ?
Ce manque de pluralisme révèle aussi une forme de désintérêt ou de paresse éditoriale. Il est plus facile de rejouer les vieux récits — Algérie contre France, laïcité contre islam, démocratie contre autoritarisme — que de faire l’effort de renouveler le regard. Cela pose problème pour la qualité de l’information, mais aussi pour la compréhension mutuelle. Une Algérie mal racontée est une Algérie mal comprise — et donc redoutée ou méprisée à tort.
Conclusion
Les médias français ne peuvent plus se permettre de parler de l’Algérie comme d’un bloc monolithique. L’Algérie est multiple : berbère et arabe, laïque et croyante, enracinée et ouverte, critique et constructive. Ne pas restituer cette complexité, c’est trahir à la fois le journalisme et les réalités humaines.
Il est temps de sortir des caricatures et d’écouter ce pays comme il est : vivant, mouvant, divers, et digne d’attention.