Le traitement médiatique français de l’Algérie ne relève plus seulement de l’accidentel ou de l’ignorance. Il obéit désormais à une logique installée, presque industrielle, où chaque événement sensationnel est intégré dans une trame systémique. Ce n’est plus une suite de titres spectaculaires, mais une mécanique bien huilée qui produit une image cohérente… et profondément négative.
Le sensationnel : une porte d’entrée répétée
Chaque crise sert de prétexte à un emballement éditorial. Ces dernières semaines l’ont confirmé :
- « L’Algérie prête à rétablir la peine de mort » (Le Point, 15 mai 2025)
- « Enlèvement en France d’un opposant algérien » (France 24, Le Figaro, Libération)
- « L’Algérie sacrifie la langue du colonisateur » (Marianne, 15 mai)
Ces titres sont construits pour frapper. Ils empruntent au lexique du drame, de la menace, de la trahison. Ils jouent sur l’émotion, l’urgence, le danger. Mais ce qui frappe, c’est leur récurrence : chaque « saut médiatique » est une variation sur le même thème.
Le systémique : une matrice narrative bien rodée
En analysant les articles dans le temps long, on observe une structure répétitive :
Thème | Narration dominante |
---|---|
Décision politique | L’Algérie se radicalise |
Réforme culturelle | L’Algérie rejette la France |
Affaire sécuritaire | L’Algérie menace ses opposants |
Geste diplomatique | L’Algérie crée des tensions |
Choix souverain | L’Algérie s’isole |
La diversité des faits est absorbée dans une logique unique : celle d’un pays problématique. Peu importe le sujet, la conclusion est connue d’avance.
Une image hostile construite en creux
L’image hostile de l’Algérie ne se construit pas seulement par ce qu’on dit d’elle, mais aussi par ce qu’on tait :
- On ne parle pas de ses dynamiques régionales (Méditerranée, Sahel, Afrique de l’Ouest).
- On ignore ses débats internes (jeunesse, climat, corruption, avenir religieux).
- On occulte ses coopérations (Turquie, Italie, pays africains, Asie).
- On évacue ses avancées technologiques ou ses débats intellectuels.
C’est l’effet « trou noir » : l’Algérie n’est visible qu’en tant que menace. Le reste est absorbé dans le silence.
À quoi sert cette mécanique ?Cette construction d’un récit hostile n’est pas neutre. Elle peut servir :
- Des objectifs politiques (justifier un durcissement migratoire ou un isolement diplomatique).
- Des intérêts économiques (freiner l’émergence d’un partenaire africain autonome).
- Une logique mémorielle (maintenir l’Algérie dans le rôle de l’ancienne colonie instable).
Mais elle produit aussi des effets pervers :
- Une montée des tensions bilatérales.
- Une ignorance réciproque croissante.
- Une incompréhension mutuelle entre sociétés civiles.
Conclusion
Du sensationnel au systémique, la presse française contribue à figer l’Algérie dans une posture d’hostilité. Non par volonté déclarée, mais par effet d’accumulation, de réflexe et d’angle unique. Il ne s’agit pas de nier les crises, mais de refuser qu’elles deviennent le seul prisme.
Changer cela nécessite du courage éditorial. Et un engagement : celui de regarder enfin l’Algérie dans sa globalité.