Le traitement médiatique de l’Algérie par la presse française oscille entre deux extrêmes : l’alerte sécuritaire permanente et l’amnésie sélective. Quand l’Algérie fait la une, c’est rarement pour ses débats internes, ses dynamiques culturelles ou ses transformations sociales, mais presque exclusivement pour des sujets de tensions. Le reste du temps, elle disparaît tout simplement des radars.
Une logique de suspicion constante
À chaque montée en tension, les mots choisis dans les titres traduisent un reflexe de suspicion :
- « L’Algérie prête à rétablir la peine de mort » (Le Point, 15 mai 2025)
- « Paris s’attaque aux détenteurs de passeports » (Intelligence Online, 16 mai)
- « L’Algérie règle ses comptes avec la France » (Marianne, 15 mai)
- « Enlèvement en France d’un opposant algérien » (France 24, Libération, Le Figaro, tous entre le 15 et 17 mai)
L’usage répété de termes comme règlement de comptes, attaque, espionnage, régression, construit l’image d’un pays menaçant, animé par des motivations peu rationnelles. L’Algérie devient un sujet de trouble, jamais d’intérêt.
Et pendant ce temps… le silence
L’oubli médiatique est aussi parlant que le soupçon. Sur la même période :
- Pas un mot dans la grande presse sur les élections locales de 2024, marquées par un taux de participation plus élevé qu’attendu dans certaines régions.
- Silence sur les start-ups algériennes primées dans des concours africains.
- Aucun article sur les réformes énergétiques, notamment dans les projets solaires du sud algérien.
- Rien sur la coopération entre l’Algérie et plusieurs pays africains dans le cadre de la ZLECAf.
En France, le silence estompe la complexité. Et comme les lecteurs n’ont pas accès à ces autres récits, ils retiennent uniquement les épisodes de tension, de rupture ou de crise.
Une omission stratégique ?
On pourrait penser qu’il s’agit d’un manque d’intérêt ponctuel. Mais ce déséquilibre devient systémique, et soulève des questions :
- Est-ce parce que l’Algérie ne rentre pas dans les grilles de lecture classiques de la presse française ?
- Ou parce que montrer une Algérie stable, moderne, connectée, viendrait contredire certains récits hérités du passé ?
Le silence sur les réussites algériennes, ou même sur ses contradictions internes autres que sécuritaires, sert involontairement un récit paternaliste, où l’Algérie ne progresse qu’en s’éloignant de ses racines.
⚖️ Un journalisme à deux vitesses
La couverture médiatique française de l’Algérie révèle un double standard :
- Hyper-réactivité quand il s’agit de dénoncer ce qui semble s’opposer à la France ou aux valeurs occidentales.
- Indifférence quasi-totale face aux évolutions internes du pays, sauf si elles alimentent la polémique.
Ce journalisme partiel produit un effet pernicieux : il prive l’opinion française d’une vision globale, équilibrée et constructive d’un pays avec lequel elle partage pourtant une histoire lourde et des liens humains puissants.
Conclusion
Le soupçon permanent et l’oubli sélectif sont deux faces d’un même biais. L’un alimente la méfiance, l’autre l’ignorance. Ensemble, ils empêchent un regard adulte sur l’Algérie, et nourrissent des malentendus durables. Revenir à un journalisme éthique, pluraliste, et curieux du réel, c’est aussi restaurer une relation fondée sur la connaissance, non sur la projection.